De la capture d’écran personnelle à la publicité
Pour
commencer, définissons ce qu’est un screenshot
(capture d’écran en français). Comme son
nom l’indique, c’est le fait de capturer ce que l’écran affiche, le plus
souvent en appuyant sur une touche du clavier dédiée à cette action.
S’enregistre alors une image au format JPEG dans le presse-papier figeant un
moment T de notre écran. Sur Windows la touche dédiée à cette action est la
fameuse Impécr. Mais cela n’a pas toujours
été la fonction qui lui était attribuée : aux débuts de l’ordinateur, elle
permettait de copier uniquement le texte affiché afin de pouvoir ensuite l’imprimer.
Avec le développement des performances des PC, dans les années 90, cette touche
a pris la fonction que nous lui connaissons aujourd’hui.
Au
début de l’histoire des jeux vidéo, le joueur évoluait dans des univers en 2D,
assez pauvres pour y faire des screenshots. Le début des années 90 marque
l’avènement de la 3D : les ordinateurs offrant enfin des performances
suffisantes pour créer des univers plus complexes. Mais déjà un an auparavant,
le jeu Stunt Island était l’un des
premiers à offrir la possibilité au joueur d’avoir une certaine liberté en
plaçant sa caméra. Ensuite, c’est le jeu Doom
(Bethesda, 1993) qui franchit un nouveau palier en permettant au joueur d’enregistrer
des séquences vidéo de sa propre partie : c’est l’apparition des « machinimas »,
des vidéos créées à partir de séquences d’un jeu vidéo.
Aujourd’hui,
il existe bien des manières de faire des screenshots. Par ailleurs, la touche impécr est souvent inutile dans les
jeux puisqu’elle est y inactive. La plateforme Steam a donc attribué cette
fonction à la touche F12 afin que le joueur puisse enregistrer plusieurs
screenshots à la suite dans une même partie. Avant cela, il fallait utiliser un
logiciel tiers comme Fraps qui s’exécutait
en arrière-plan. Entre temps, les développeurs et les programmeurs ont commencé
à saisir l’intérêt naissant des joueurs pour les screenshots. Aussi, certains
jeux, comme Mad Max (Avalanche Studios
et Warner Bros, 2015) intègrent directement un outil pour cela. Cet outil
permet de mettre le jeu en pause au moment de le lancer et ensuite de bouger
dans cette scène figée. Ils offrent également quelques possibilités de
post-traitement avec des filtres noir et blanc, sépia etc. D’autres programmes
existent aussi mais sont chacun spécifiques à un jeu en particulier : Star
Wars Battlefront Cinematic Tool, Battlefield 4 Cinematic Tool par exemple, plus
complexes et plus gourmands en performances, ils permettent des réglages plus
avancés avec des contrôles de champ de vision (focale) ou de profondeur de
champ (diaphragme). Par ailleurs, Battlefield
1 (Electronic Arts, 2016), le dernier de la série, offre un mode spectateur
qui permet de faire des screenshots en enlevant les HUD[1].
De son côté, Nvidia a développé un outil nommé Ansel qui permet la prise
avancée de screenshots. C’est un outil fort prometteur qui permet de faire des
screenshots avec une caméra libre, de la super-résolution (avec la création
d’une image dont le plus grand côté peut faire jusqu’à plus de 64 000
pixels), des prises à 360° et également du post-traitement par le biais de
quelques filtres (noir et blanc, sépia etc.). Ansel est contenu automatiquement
dans le logiciel GeForce de Nvidia qui s’exécute en arrière-plan pendant une
partie. Pour l’instant, il n’est compatible qu’avec quelques jeux (The Witcher 3, Mirror Edge Catalyst et
bientôt sur Tom Clancy’s The Division).
Il s’agit en fait d’un module que les créateurs d’un jeu peuvent choisir
d’intégrer ou non, plutôt complexe à installer, et donc compatible avec peu de jeux actuellement.
Le screenshot
est également une arme de communication incontournable. En effet, il n’est plus
rare de le voir utilisé dans des publicités pour un jeu dans l’espace public. Ces
publicités sont comparables aux
affiches de cinéma (sur ce point, le jeu vidéo s’inspire beaucoup du cinéma en
sortant, par exemple, des bandes annonces dignes des super productions
américaines). Ce ne sont pas vraiment des screenshots mais plutôt une mise en
scène visant à montrer l’ambiance du jeu. On retrouve également sur les
plateformes de vente en ligne dématérialisée, des screenshots, au sens plus
« pur » du terme, supposés montrer le gameplay et
les graphismes.
Cependant,
screenshot n’est pas forcément synonyme d’authenticité et de gameplay
réel ; en témoigne, par exemple, ce que l’on appelle les
« bullshot » : des screenshots mensongers. On pourra notamment
citer le cas de la société Hello Game qui, de septembre à novembre 2016, a fait
l’objet d’une enquête après plusieurs plaintes de joueurs pour publicité
mensongère concernant les trailers et screenshots de leur jeu No Man’s Sky. Finalement, en basant sa
défense sur la génération procédurale, la société ne sera pas plus inquiétée. En
réponse à cette polémique, la plateforme de vente en ligne sur PC, Steam, a demandé
à tous les développeurs de mettre dans la section capture d’écran de vrais screenshots
montrant réellement ce que le joueur sera susceptible de trouver[1],
génération procédurale ou pas.
Néanmoins,
il convient de tempérer ces polémiques. Elles sont, en effet, plutôt rares et
plus susceptibles d’arriver aux gros studios. De plus, les joueurs sont bien
conscients que chaque expérience de jeu est différente et qu’il est impossible
d’avoir la même situation sur son écran. On peut alors comparer ces bullshots à la photographie culinaire, les
cuisiniers amateurs sont tout à fait conscients qu’ils ne pourront pas
reproduire exactement la photo illustrant la recette et que stylistes et photographes
culinaires usent d’astuces totalement artificielles pour valoriser la nourriture.
Il en va de même avec les joueurs.
[1] Head Up Display, ce sont les
informations affichées à l’écran